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Donner vs construire?

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«Relever le défi de la transformation structurelle des économies agricoles africaines : quelles politiques et quel mécanisme de résilience ? » C’était le thème d’un panel de discussion que présidera Mme Anne OULOTO, Ministre de l’environnement porte-parole du gouvernent Ivoirien, le Vendredi 17 Novembre, au SARA 2017.

En analysant cette thématique à la lumière de ma propre expérience récente, il me revient ce célèbre dicton « La meilleure aide est celle qui nous aide à nous passer de l’aide ». Cette réflexion m’est revenue pendant que, assise dans la salle d’attente du Conseil régionale du Développement Agricole de Korhogo, j’attendais d’être reçue par les responsables de ce service, pour discuter de la synergie et des complémentarités possibles entre 2SCALE et le département régional en charge de l’Agriculture.

Celui-ci a pour mission de mettre en œuvre la politique agricole de la Côte d’Ivoire au niveau de la région, et cela se traduit souvent par de vastes opérations de distribution d’intrants ou d’équipements. Mon objectif ? Orienter une partie de cette « aide » vers les acteurs que 2SCALE appuie dans le nord du pays, mais selon l’esprit et le principe de 2SCALE, c’est-à-dire 1) mobiliser la contribution des bénéficiaires, 2) instaurer un état d’esprit entrepreneurial.

Pendant l’attente qui a duré environ une heure dans une salle climatisée à moins 18°C (cela fait du bien après 5 heures passées à courir dans les champs !), j’ai passé en revue mes arguments clés pour convaincre mes interlocuteurs d’un principe de base, qui me parait fondamental pour amorcer la compétitivité du secteur agricole en général, et en particulier, celui du maraichage, que je connais mieux : « On ne développe pas l’agriculture avec des dons ! » Mais comment en convaincre des fonctionnaires d’état plutôt habitués à faire des dons qu’à construire des systèmes agricoles tirés par le marché ? J’ai développé 2 arguments clés, et présenté une alternative qui me paraissait solide :

-Le gratuit tue l’esprit d’entreprenariat : Le schéma classique, qui consiste à acheter et à distribuer gracieusement des intrants agricoles ou des technologies soit disant innovantes, a démontré, au cours des décennies passées, qu’il ne génère aucun impact durable, pour plusieurs raisons plus ou moins connues et admises des experts du développement. L’une des raisons est celle-ci : si l’on acquiert gratuitement un bien, on est peu enclin à le valoriser et à le faire fructifier, c’est un trait humain et une vérité qui a survécu à toutes les expériences, dans le secteur agricole comme ailleurs.

Récemment encore, un grand projet financé par le FIDA et l’Etat de la Côte d’Ivoire a donné des Kits d’irrigation goute à goute aux productrices dans le Nord du Pays. Un an après, ces outils qui ont coûté des milliards, sont dans un état de délabrement total, et j’ai pu le constater de visu, au hasard d’une visite de champs. Les femmes elles-mêmes les ramassent parfois pour les mettre en tas et les ranger, car elles trouvent que les installations les dérangent. Je n’ai pas réussi à comprendre pourquoi ce qui était censé soulager les femmes du poids de l’arrosage est devenu au contraire un problème, mais si elles avaient participé ne serait-ce qu’à hauteur de la moitié des investissements, le sort de ces équipement aurait été sans doute différent. Mais là n’est pas le pire.

-Le gratuit tue le business des vrais entrepreneurs : En distribuant gracieusement des kits agricoles disponibles sur le marché, l’Etat et les bailleurs de fonds, malgré leur bonne intention, tuent aussi le commerce des entrepreneurs locaux déjà installés sur ce marché.

Quelle alternative à la politique de l’Etat providence ? Comment rendre profitable et durable l’appui du secteur public aux acteurs du secteur agricole ? Aide et entreprenariat sont-ils conciliables ? Sans prétention aucune, ni fausse modestie, j’oserai répondre par l’affirmative, preuve à l’appui : Il y a peine un an et demi, en Juin 2016, IFDC a démarré le programme 2SCALE en Côte d’Ivoire, avec un portefeuille de partenariats portant principalement sur le soja, le riz et les produits maraichers. Dans ce dernier secteur, nous avons développé 8 Pôles d’Entreprises Agricoles (PEA) dont 4 ont atteint leur vitesse de croisière. Un PEA, c’est une plateforme qui met en relation tous les acteurs clés d’une chaine de valeurs donnée, notamment les fournisseurs d’intrants, les producteurs, les commerçants et souvent des institutions de micro finance. Tous ces acteurs sont interdépendants et de ce fait, doivent interagir et coopérer pour pouvoir améliorer leur chiffre d’affaires, en se concertant et en se rendant des services mutuels.

Aujourd’hui, les productrices avec lesquelles nous avons commencé arrivent à s’approvisionner chez des fournisseurs d’intrants bien connus, et avec qui elles développent des relations de confiance. Autrefois isolées, elles sont aujourd’hui réunies au sein de groupements, parfois des coopératives, et elles arrivent à négocier avec leurs fournisseurs d’intrants, avec les commerçants, et même avec les institutions de micro finance à Korhogo, à Bouzali, à Wongolo et souvent avec la COPEC (Coopérative d’Épargne et de Crédit) pour pouvoir payer des intrants et des petits équipements de production.  A l’image de DORCASSE SORO (à droite sur la photo), certaines ont ouvert des comptes pour la première fois de leur vie. C’est une dynamique nouvelle, que les acteurs disent n’avoir jamais vue en Côte d’Ivoire.


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